Une enquête est en cours sur les allégations d’exactions de l’armée malienne à Moura, selon la justice militaire. Il s’agit de faire la lumière sur l’opération antiterroriste conduite entre le 23 et le 31 mars dernier dans ce village proche de Djenné, dans le centre du pays. L’armée affirme y avoir tué plus de 200 jihadistes, de nombreuses organisations de défense des droits de l’homme évoquent un bilan largement supérieur et le massacre en règle de civils par les Fama et leurs supplétifs russes. Mais l’ouverture de cette enquête par la justice militaire malienne ne répond pas vraiment à leurs exigences.
« Des enquêtes » ont déjà été ouvertes par la gendarmerie nationale, et « un transport judiciaire sera effectué très prochainement » à Moura. Le procureur du tribunal militaire de la région de Mopti précise qu’il se rendra dans le village accompagné d’un médecin légiste, d’une équipe de police scientifique et d’enquêteurs, et que leurs conclusions seront rendues publiques. Une démarche suffisamment exceptionnelle pour être pointée.
Ces derniers jours, de nombreuses organisations de défense des droits humains mais aussi l’Union européenne, les États-Unis ou encore les Nations unies ont réclamé l’ouverture d’une enquête sur les nombreux témoignages faisant état du massacre de plusieurs centaines de civils et de jihadistes désarmés par les soldats maliens et leurs supplétifs russes. De nombreux survivants ont témoigné auprès d’organisations communautaires ou humanitaires, maliennes et internationales, mais aussi dans la presse internationale, d’exécutions sommaires en grand nombre ainsi que de pillages et de viols.
Mais c’est une enquête indépendante, menée par ou intégrant la Mission des Nations unies dans le pays, qui était demandée. Une équipe d’investigation de la Minusma devait d’ailleurs se rendre à Moura en début de semaine. Les autorités maliennes n’ont jamais donné leur feu vert. Une nouvelle requête a été formulée. De nombreuses sources onusiennes, humanitaires ou communautaires maliennes font part de leur pessimisme et rappellent que, ces dernières semaines, l’accès à certaines zones où d’autres allégations d’exactions avaient été rapportées n’a pas été accordé aux équipes onusiennes.
Mardi, avant même l’annonce de l’ouverture d’une enquête par le tribunal militaire de Mopti, l’état-major des armées du Mali jugeait déjà « infondées » les accusations formulées sur Moura, estimant une nouvelle fois qu’elles visaient uniquement à « ternir l’image des Fama », dont l’état-major tenait à « magnifier le professionnalisme ».
Dans un communiqué, l’expert indépendant des Nations unies sur les droits de l’homme au Mali, le Sénégalais Alioune Tine, a encore demandé ce mercredi aux autorités maliennes « de mener dans les meilleurs délais une enquête approfondie, indépendante, impartiale » et, pour cela, « à accorder un accès sans entrave à la division des droits de l’homme » de la Minusma.
RFI