À Taïwan, le regain de tensions diplomatiques et l’escalade militaire ont atteint le niveau le plus grave de ces 25 dernières années. Peut-on réellement craindre une invasion chinoise de Taïwan ?
Parfois, les chiffres parlent d’eux-mêmes : 446 incursions d’avions chinois, des avions de chasse essentiellement, pour le seul mois d’août au-dessus du détroit de Formose, ces quelque 100 à 180 kilomètres de mer qui séparent Taïwan des côtes chinoises. Un record absolu en près de trois décennies qui a, effectivement, eu de quoi donner des sueurs froides aux 23 millions de Taïwanais.
Il faut dire que la visite à hauts risques début août de Nancy Pelosi, présidente de la Chambre des représentants et plus haute dignitaire américaine à se rendre à Taipei depuis 25 ans, a provoqué l’ire prévisible de Pékin qui a aussitôt dénoncé « une grave violation de la souveraineté et de l’intégrité territoriale de la Chine ! » Puis de menacer de « graves conséquences… »
De graves conséquences surtout pour Taïwan, puisque la Chine a immédiatement lancé les plus grandes manœuvres de son Armée populaire de libération (APL) dans la zone impliquant des navires de guerre, des tirs de missiles et de drones jusqu’à moins de vingt kilomètres des côtes taïwanaises. Bien au-delà de la ligne médiane, cette frontière immatérielle, jamais reconnue par Pékin, mais jusqu’alors respectée par les deux armées.
Un enjeu ultra-sensible à la portée stratégique et politique pour Pékin
La « réunification complète », c’est le rêve avoué du président Xi Jinping qui voudrait le voir se réaliser sous son règne à seulement quelques semaines du 20e Congrès du Parti communiste chinois, qui lui octroiera un troisième mandat de secrétaire général.
Avec l’augmentation des rivalités stratégiques avec Washington et les précédents tibétain, ouïghour et hongkongais, le président chinois pourrait être tenté d’accélérer le processus, les experts les plus alarmistes évoquant même un conflit en 2025 dont les répercussions mondiales iraient bien au-delà de celles de l’invasion russe en Ukraine. Et le blocus militaire qu’ont engendré les exercices chinois en août pourrait devenir la nouvelle réalité de la situation taïwanaise, Pékin mu désormais sans ambiguïté par son esprit de conquête.
D’ailleurs, têtes d’affiche des loups combattants, ces diplomates chinois porteurs de la doctrine conquérante, l’ambassadeur de Chine à Paris, a récemment évoqué la « rééducation » des Taïwanais une fois accomplie cette réunification.
Une délégation parlementaire française en visite dans un contexte électrique
Première visite parlementaire depuis le bras de fer du mois d’août, ce sont des sénateurs français qui vont faire le voyage à Taipei le 7 septembre, précédant d’autres visites allemande et britannique, notamment dans les prochaines semaines.
Lors de leur dernier voyage en 2021, des parlementaires français avaient été escortés par des dizaines d’avions de chasse chinois, ce qui n’avait pas empêché le sénateur Olivier Cadic de déclarer que « Taïwan n’était pas seul ». On peut prédire que cette visite européenne ne plaira pas à Pékin, cette fois non plus.
rfi