Soudan: Qui est Malik Agar, le nouveau numéro 2 du régime?

Dans le conflit civil qui secoue le Soudan, depuis plus d’un mois, chacun des protagonistes tente de rallier des forces à sa cause. Vendredi 19 mai, le général al-Burhan a officiellement limogé le général Daglo – dit Hemetti – du Conseil souverain qui dirige le pays. À sa place, il a nommé Malik Agar comme numéro 2 du régime et promu plusieurs de ses proches dans l’armée.

Malik Agar est un ancien cadre de la rébellion sud-soudanaise, mais la région dont il est originaire fait partie du Soudan, et il a signé en 2020 un accord de paix avec Khartoum. Qui est-il ? Pourquoi a-t-il été choisi ? Entretien avec le chercheur sud-soudanais Jok Madut Jok, professeur à l’université de Syracuse, aux États-Unis.  

Qui est Malik Agar qui vient d’être désigné vice-président du conseil souverain par le général al-Burhan ?

Jok Madut Jok : Malik Agar est originaire de l’État du Nil-Bleu dans le sud-est du Soudan. Il fait partie d’une ethnie qui s’appelle les Ingessana. C’était un commandant important de la SPLA, l’armée populaire de libération du Soudan, basée au Soudan du Sud.

Quand l’accord de paix entre le Nord et le Sud (le Comprehensive Peace Agreement) a été signé et que le Soudan du Sud est devenu un pays indépendant, en 2011, l’accord a obligé le Nil-Bleu à rester du côté du Soudan et à ce moment-là, Agar a formé, avec d’autres commandants, un groupe appelé le SPLM-Nord. Au moment où Omar el-Béchir a été renversé en 2019, ces commandants sont devenus membres de la nouvelle coalition soutenant le gouvernement, mais leur rôle a été amoindri lorsque les militaires ont détourné la révolution. Malik Agar a une force militaire d’environ un millier de combattants. J’imagine que le général al-Burhan fait le calcul qu’en plaçant Agar à ses côtés, cette force lui sera accessible, qu’elle rejoindra le camp de l’armée soudanaise et que cela augmentera ses chances dans les combats pour le contrôle de Khartoum.

Comment analysez-vous le fait qu’al-Burhan ait fait cette proposition à Malik Agar ?

Je pense que le général al-Burhan a eu le sentiment qu’Hemetti plaçait ses pions au Soudan du Sud pour en faire potentiellement un de ses soutiens. On se souvient qu’un représentant du général Daglo est venu à Juba, a tenu une conférence de presse devant un grand nombre de membres du gouvernement et a rencontré le président Salva Kiir.

Pour faire contre-poids, al-Burhan a dû penser qu’il fallait amener Malik Agar et ses forces à ses côtés, que cela lui permettrait d’avoir un canal et une influence à Juba. Il y a des connexions personnelles entre Malik Agar et Salva Kiir. Il y a aussi des liens institutionnels, car le SPLM-Nord est quand même toujours essentiellement lié aux forces armées du Soudan du Sud. En fait, il reçoit ses ressources financières de Juba.

Salva Kiir, cependant, a l’air d’être très proche d’Hemetti… Malik Agar pourra-t-il changer cela en faveur de al-Burhan? Ce n’est pas très clair, mais ça a l’air d’être le calcul d’al-Burhan. 

Pensez-vous que les combattants du SPLM-Nord puissent accepter cette alliance avec al-Burhan ?

Je doute que les commandants de terrain de Malik Agar, ceux qui sont dans sa branche du SPLM-Nord, acceptent de combattre pour l’armée soudanaise et de suivre Malik Agar s’il décidait que c’est la stratégie à adopter. Les gens ordinaires dans le Nil-Bleu ne veulent rien à voir avec l’armée soudanaise et ils ne veulent rien à voir avec al-Burhan. Ils le veulent d’autant moins qu’il est désormais perçu comme le bras armé du mouvement islamiste et d’Omar el-Béchir. Je ne crois pas que les gens du Nil-Bleu accepteraient de devenir les alliés de ceux qu’ils voient historiquement comme leurs adversaires. Je crois que, pour le moment, la plupart des Soudanais dans les régions périphériques disent « laissez al-Burhan et Daglo se battre, laissez-les goûter à l’amertume de la guerre qu’ils ont toujours menée dans nos territoires, laissez l’élite du Soudan gouter les dangers de la guerre qu’elle a souvent imposée aux périphéries. » Les gens des périphéries disent que les destructions qu’il y a, à Khartoum, peuvent continuer et que les gens ordinaires ne devraient pas prendre le parti de l’un ou l’autre.

RFI

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