Macky face à l’épreuve de sa succession (Par Sidy DIOP )

Curieuse époque que celle que nous vivons ! A moins de sept mois de la présidentielle de février 2024, personne ne peut dire avec certitude qui sera sur la ligne de départ. Il y a, certes, une floraison de candidatures, mais il y a tellement d’écueils à surmonter que cela reste encore de simples bonnes intentions.

La situation est plus cocasse au sein de la majorité qui gouverne ce pays depuis bientôt douze années. Le président Macky Sall s’est tellement employé à éteindre les ambitions dans son parti qu’il a du mal aujourd’hui à porter son choix sur un profil capable de rallier le « peuple » de Bennoo à la cause de la « conservation du pouvoir ».
Tout occupé à poser des écrous pour y visser toute volonté d’échappée solitaire dans sa coalition, il a oublié que le « ni-ni » n’a jamais fait un projet ni une stratégie.

L’erreur de Macky Sall, c’est de n’avoir pas préparé sa succession. Il n’a jamais voulu de « numéro deux » au sein de son parti. Tous ceux qui avaient commencé à se forger une certaine légitimité politique ont été mis sous l’éteignoir. Il y a eu d’abord le flamboyant Me Alioune Badara Cissé, le premier ministre des Affaires étrangères de Macky, viré au bout d’une année et accusé des sept péchés d’Israël. Suivra Aminata Touré, celle qui avait pris la tête du combat contre les biens mal acquis au ministère de la Justice avant de se retrouver à la Primature. Son éjection violente avait provoqué un malaise dans le parti au pouvoir. Mahammad Boun Abdallah Dionne, Premier ministre et directeur de campagne de Macky Sall en 2019, connaîtra le même sort. Avec le patron de Bennoo, plus grand est le succès, plus violente est la chute.

Macky Sall aurait pu éviter cette difficulté en préparant, assez tôt, son dauphin. Avec le temps, les contestations se seraient calmées et son choix aurait eu le temps de déployer son habileté pour recoudre le patchwork des différents courants. Il devra, malheureusement, s’attendre à des obstructions tenaces. Car passés l’émotion et le choc du renoncement à la troisième candidature, la vie devra désormais se faire sans lui. De nouvelles ambitions vont voir le jour, de nouvelles alliances ficelées, et les frustrations, inhérentes à la gestion politique, se feront entendre. Il n’est plus le « maître des horloges ».

Après avoir été l’alpha et l’oméga de la République, il est réduit à la gestion d’un sablier qui écoule le temps utile pour lui et d’un minuteur qui décompte le temps avant la fin. Après avoir annoncé du haut de ses certitudes de « génie politique » qu’il avait la clé de la victoire de son camp en 2024 – à condition qu’il soit suivi dans le choix de son candidat) -, le voilà qui procrastine, tergiverse et finalement décide de ne rien décider. « J’ai un problème, je suis dans l’impossibilité de choisir », a-t-il récemment confessé lors d’une rencontre avec les candidats à la candidature élargie aux responsables de Bennoo.

Entre Abdoulaye Daouda Diallo qui mobilise le Fouta et clame son irrévocable volonté de se présenter à la présidentielle de 2024, Amadou Ba qui compte ses soutiens et déploie sa stratégie, Aly Ngouille Ndiaye qui exclut tout désistement et la dizaine d’autres candidats, l’APR retient son souffle. Le parti du cheval vit sous la hantise de ses cavaliers de l’Apocalypse. Une situation d’autant plus tendue que la coalition au pouvoir doit vivre avec un reflux affectif et électoral qui lui a presque couté la majorité à l’Assemblée nationale. Avec 46 % des suffrages lors des dernières législatives, il lui faudra serrer les rangs et souder son unité pour faire face à une opposition loin d’être velléitaire.

Contre son tempérament, Macky Sall ne peut plus avancer qu’au rythme de l’escargot. Quand on aime le grand galop, cette humilité imposée est une grande épreuve. De sa capacité à contenir cette éruption égotique dans son propre camp dépendront la survie du pouvoir, de sa vision économique et de son héritage. Après près de deux mois de consultations et de concertations, c’est le moment d’inventer un gimmick présidentiel pour être à la hauteur du génie qu’on lui prête.

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