L’Agence nationale de l’aviation civile et de la météorologie (Anacim) annonce une houle dangereuse demain mercredi 22 janvier 2025. À Ngor, une localité, fief des lébous, dans le département de Dakar, les pêcheurs suggèrent le renforcement des moyens de surveillance pour dissuader ceux qui bravent le mauvais temps.
À Ngor Plage, le vent frais lâche de longues rafales qui font gicler les vagues. Ce lundi 20 janvier 2025, le mauvais temps en mer se manifeste par cette ribambelle de pirogues accostées sur l’eau et dont l’équilibre ne tient qu’aux humeurs du courant marin. Sous la poussée inexorable de l’érosion côtière, le littoral de Ngor expose son décor : des dizaines de pirogues drossées sur le sable, leurs mâts noirs tendus vers le ciel.
Un cimetière d’embarcation, une litanie d’épaves fantômes de solides cargos d’acier. Alors que l’Agence nationale de l’aviation civile et de la météorologie (Anacim) a annoncé dans ses prévisions une houle dangereuse le mercredi 22 janvier 2025, certains pêcheurs ont décidé de braver la météo. « La plupart des accidents en mer ou des cas de perdition de pêcheurs sont causés par le mauvais temps. Quand on reçoit les alertes de l’Anacim, on partage l’information avec nos collègues pêcheurs. Mais il y en a certains qui sont têtus », déclare Omar Samb, président de l’Association des pêcheurs de Ngor, créée en 2000.
Ces premières heures de la matinée offrent une marée haute. Ce qui est révélateur d’un tas d’immondices qui décorent l’exiguë rive où viennent s’écraser de grosses vagues. Il suffit de voir une pirogue de pêcheurs raser la côte en cognant les vagues, embarquée dans une mer coupante et assassine pour comprendre ce qu’on peut endurer au large. Regard perçant l’horizon, chevelure poivre sel, Omar Samb, yeux rougis par des années de contact avec l’eau salée, sermonne ses pairs : « Il y a des gens qui ne se soucient que de leurs intérêts économiques, pour d’autres, c’est de l’indiscipline caractérisée. L’État doit être ferme !» Fermeté, mais comment? « On doit mettre des agents sur la rive pour dissuader les pêcheurs qui partent en mer.
Sur les routes, on ne peut circuler sans rencontrer la police ou la gendarmerie. Mais en mer, on a un déficit d’agents de surveillance », déplore Ndongo Sall, président des mareyeurs. Selon Omar Samb, à Ngor, non seulement beaucoup de pêcheurs n’observent pas de pause quand la météo alerte, mais ils ne mettent même pas de gilet de sauvetage. « Il faut insister sur l’immatriculation des pirogues. De ce fait, on connaitra leurs propriétaires comme c’est le cas actuellement avec les scooters », renchérit Maimouna Fall, vendeuse de poissons.
Mère de 5 enfants, la dame gringalet se poste chaque jour sur la rive aux aguets des pirogues revenues de la pêche. « Si la mer est agitée, cela veut dire qu’on ne va rien mener à la maison. Mais il vaut mieux perdre quelques miettes que de risquer sa vie et son matériel », concède Mme Fall, assise sur une bassine. À Ngor, les agitations du grand bleu forcent les usagers de la mer au chômage. Mais certains ont décidé de défier le danger. « Est-ce que l’État va me donner la dépense quotidienne si je décide de ne pas aller en mer ? Cela fait 15 ans que je défie ce temps », explique Ngalla Ndoye, de retour de la pêche. « Il ne m’est rien arrivé », coupe-t-il, rassurant ses proches venus lui demander des nouvelles du climat en haute mer.
Le trentenaire, casquette sur la tête, uniforme vert, dit avoir pris ses précautions avant d’affronter l’océan. « Je suis parti après la prière du matin et j’ai mis mon gilet. Je n’ai pas grand-chose à vendre aujourd’hui mais au moins, ma famille aura du poisson à manger. Si je restais à la maison, je ne l’aurais pas eu », met-il en exergue. Des risques que d’autres de ses collègues sont prêts à prendre. Au péril de leurs vies.
Le coordonnateur des Clpa appelle au respect des prévisions
«Il faut suivre la météo», conseille Ibrahima Mar, coordonnateur du Réseau national des Comités locaux de la pêche artisanale (Clpa). D’après lui, l’Anacim est dans la prévision et la prévention. « Même si on décide de partir, on doit prendre nos dispositions comme le port de gilet de sauvetage », préconise-t-il, invitant l’État à prendre ses responsabilités. «À Saint-Louis, l’État a attendu un drame humain causé par la brèche pour réagir. On doit durcir les sanctions à travers des arrêtés préfectoraux», propose Ibrahima Mar.
Les consignes de l’Anacim
Une houle de secteur nord-ouest pouvant atteindre 3 mètres est attendue sur la grande côte, à Dakar, sur la petite côte et en Casamance du mercredi 22 janvier à 6h au samedi 25 janvier 2025 à 6h. L’alerte est de l’Agence nationale de l’aviation civile et de la météorologie (Anacim) qui prévient que des conséquences néfastes peuvent être observées en mer. « Nous invitons nos amis pêcheurs à écouter attentivement les informations météorologiques ainsi que les consignes des services de pêche. Il ne faudrait pas s’aventurer en mer, le temps que cette houle se dissipe le samedi matin », a recommandé Abdoulaye Diouf, chef du Service prévision et réduction des risques à l’Anacim. Joint par téléphone, M. Diouf invite à éviter les activités nautiques et la baignade. Les pêcheurs et les navigateurs sont aussi appelés à rester à quai. Aux parents, il est conseillé de surveiller les enfants en plus de limiter l’accès aux plages.