Dans un geste politique fort et inédit, le député Guy Marius Sagna a déposé une proposition de résolution visant à mettre en accusation l’ancien Président de la République, Macky Sall, pour haute trahison , devant la Haute Cour de Justice. L’initiative repose sur des faits graves relevés dans les rapports de la Cour des comptes, mettant en cause la gestion financière du pays sous le magistère de Macky Sall.
Dans l’exposé des motifs accompagnant sa proposition, le député rappelle que l’article 101 de la Constitution sénégalaise réserve la responsabilité du Président de la République, dans l’exercice de ses fonctions, aux seuls cas de haute trahison. Pour Guy Marius Sagna, les éléments relevés par la Cour des comptes sont suffisamment alarmants pour enclencher cette procédure exceptionnelle.
Des accusations fondées sur des montants colossaux hors contrôle parlementaire
Selon le député, la Cour des comptes aurait identifié plus de 2 517 milliards de francs CFA contractés en dehors de tout cadre légal , sans autorisation du Parlement ni inscription dans les lois de finances. S’y ajoute l’utilisation massive et jugée irrégulière des comptes de dépôts au Trésor (SNPE), pour un montant avoisinant 2 562 milliards de francs CFA , échappant également à tout contrôle parlementaire.
Ces pratiques, estime-t-il, constituent une « violation manifeste des principes de transparence, de sincérité et de responsabilité budgétaires », ainsi qu’une « dissimulation délibérée de la réalité financière de l’État ».
Un déficit sous-évalué, une dette camouflée
Le rapport mentionné évoque par ailleurs des manipulations comptables ayant conduit à une sous-estimation du déficit budgétaire , officiellement annoncée à 6,5 % du PIB, alors qu’il atteindrait en réalité plus de 10 %. Quant à la dette publique, elle serait proche de 100 % du PIB , bien au-delà du chiffre officiel de 74 %.
Guy Marius Sagna alerte sur les conséquences de cette gestion : une perte de crédibilité du Sénégal sur les marchés internationaux, une mise en danger de la soutenabilité financière du pays, et surtout, une atteinte grave à la souveraineté populaire, les engagements financiers ayant été contractés sans débat démocratique ni consentement éclairé du peuple.
Une demande de justice constitutionnelle
Par cette proposition, le député appelle l’Assemblée nationale à exercer ses prérogatives constitutionnelles pour juger de la pertinence d’une mise en accusation de l’ancien chef de l’État. Le texte soumis contient un article unique déclaré que Macky Sall doit répondre devant la Haute Cour de Justice de faits qualifiés de haute trahison , conformément à la Constitution et à la loi organique encadrant la juridiction de cette spéciale.
La proposition doit maintenant être examinée par l’Assemblée nationale, où une majorité qualifiée des trois cinquièmes est requise pour engager la procédure. Ce dépôt relance le débat sur la reddition des comptes au sommet de l’État et marque un potentiel tournant dans la vie politique sénégalaise post-alternance.
Si elle est adoptée, cette résolution ouvrirait une procédure judiciaire inédite contre un ancien président de la République du Sénégal, et pourrait redéfinir les contours de la responsabilité politique à l’échelle nationale.