Délit de diffusion de fausses nouvelles : des mouvements et organisations appellent à réformer l’article 255 du code pénal

Vivement préoccupation face à l’usage récurrent et préoccupant de l’article 255 du Code de procédure pénale au Sénégal, des mouvements et organisations de la société civile, dont Africtiviste plaident pour une réforme urgente de cette dispositif juridique. Africtiviste et Cie disent constater avec inquiétude que plusieurs journalistes, activistes, chroniqueurs et citoyens engagés ont été interpellés ou poursuivis sur la base de cette disposition juridique, depuis un an après l’arrivée au pouvoir du Président Bassirou Diomaye Faye.

Ils en veulent pour preuve, le cas de Abdou Nguer, chroniqueur et commentateur de l’actualité politique. « Le 20 mai, il a été placé sous mandat de dépôt par le juge d’instruction du 3e cabinet du tribunal de Dakar. Il est inculpé pour diffusion de fausses nouvelles, offense au Chef de l’État et apologie de crime ou délit », ont rappelé les organisations de la société civile.

Ajoutant ainsi que « Le 17 avril, ce chroniqueur, de la chaîne de télé SenTV, a été placé pour la première fois sous mandat de dépôt après sa présentation devant le juge d’instruction du 3e cabinet du tribunal de Dakar. Il était poursuivi pour des faits de ‘’diffusion de fausses nouvelles’’ »

De plus ils invoquent l’autre affaire impliquant les militants de Pastef que sont Azoura Fall et Ousseynou Kaïré qui après une auto saisine du procureur pour avoir été accusés d’avoir injurié l’ancien président Macky Sall ont été jugés en flagrant délit le 21 mai et risquent 6 mois de prison, dont 3 ferme.

Quant à l’activiste Assane Diouf, par ailleurs, la société civile rappelle, qu’il a été placé sous mandat de dépôt pour diffusion de fausses nouvelles et offense à une autorité assimilée au président de la République après sa comparution devant le doyen des juges d’instruction le 3 mars dernier. Aussi, le 10 avril, le journaliste Simon Faye, rédacteur en chef de SenTv et de Zik Fm, a été convoqué et placé en garde pour diffusion de fausses nouvelles avant d’être libéré sous le régime du contrôle judiciaire.

Et de rappeler que l’article 255 du code pénal, qui menace gravement la liberté d’expression et la liberté de presse surtout dans l’espace numérique,  stipule : « La publication, la diffusion, la divulgation ou la reproduction, par quelque moyen que ce soit, de nouvelles fausses, de pièces fabriquées, falsifiées ou mensongèrement attribuées à des tiers, sera punie d’un emprisonnement d’un à trois ans et d’une amende de 100 000 à 1 500 000 francs (…) ».

Cet article disent-ils rédigé en des termes ambigus dans un cadre législatif post-colonial, ouvre la voie à des interprétations subjectives. Par ailleurs, le recours systématique à la sanction la plus sévère, sans prise en compte des circonstances spécifiques de l’infraction, soulève de sérieuses préoccupations quant au respect du principe de proportionnalité des peines dans un État de droit.

D’ailleurs, les Nations Unies (Onu) ont mis en garde contre les réponses étatiques excessives. Elles appellent à cet effet, les États à s’abstenir de mesures disproportionnées telles que les coupures d’Internet ou l’adoption de lois imprécises et trop larges, utilisées pour criminaliser, bloquer, censurer ou restreindre les discours en ligne, au détriment de l’espace civique.

C’est ainsi que pour concrétiser certaines des conclusions des assises nationales de la Justice du Sénégal qui se sont tenues en juin 2024, ces mouvements et organisations de la société Civile appellent l’État du Sénégal a non seulement « réformer l’article 255 du code pénal qui criminalise la publication de fausses nouvelles et l’article 80 pour les aligner avec les normes internationales. » mais également, à « réexaminer toutes les mesures punitives, y compris les restrictions pénales à la diffamation, l’injure, l’offense ou à la publication de fausses informations, et s’assurer qu’elles sont nécessaires, proportionnées, justifiables et compatibles avec les normes internationales en matière de droits de l’homme. » et de  « privilégier des peines alternatives à l’emprisonnement, dans le respect du principe de proportionnalité comme des peines avec sursis, des travaux d’intérêt général (TIG), des amendes proportionnées aux capacités financières de la personne condamnée, un programme sur l’usage responsable de l’information », plaident-ils.

Ils considèrent que dans une période où le Sénégal est perçu comme un modèle de démocratie stable en Afrique, ces convocations et arrestations tous azimuts, peuvent ternir l’image d’un pays, respectueux des droits humains.

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