Mali : ce que l’on sait du massacre de Moura

L’armée malienne a annoncé l’élimination de 203 terroristes dans cette région du centre du pays. L’ONG Human Rights Watch, elle, rapporte que cette opération militaire a été le théâtre d’exécutions sommaires de civils, de viols et de pillages.

Haut fait de l’armée malienne en reconquête ou massacre de civils sans précédent au nom du combat antidjihadiste ? Deux versions diamétralement opposées s’affrontent sur les évènements survenus fin mars à Moura, dans le centre du pays. « L’Obs » fait le point sur les faits.

203 djihadistes « éliminés »

Du 23 au 31 mars, l’armée malienne a mené une opération « de grande envergure » dans la ville de Moura. Cette localité de plusieurs milliers d’habitants se situe dans le centre du Mali, région qui abrite l’un des principaux foyers de violences sahéliennes et terrain privilégié des groupes affiliés à Al Qaida.

Dans un communiqué diffusé le 1er avril, l’état-major a annoncé l’élimination de 203 djihadistes. En dehors de 203 « terroristes » tués, 51 autres ont été capturés. Les forces maliennes ont procédé « aux nettoyages systématiques de toute la zone ». Après avoir pris le contrôle de Moura, elles ont procédé à un « tri » et identifié des « terroristes » dissimulés dans la population, a-t-il précisé mardi 5 avril au soir dans un nouveau communiqué. L’armée, qui a évoqué des morts dans ses rangs, sans plus de précision, a revendiqué un grand succès militaire.

Pourtant, la version des témoins et de Human Rights Watch est diamétralement opposée. L’ONG décrit le « pire épisode d’atrocités » commises contre des civils en dix ans. Elle fait état de l’exécution sommaire de 300 civils par les soldats, de viols et d’actes de pillages. « La grande majorité » des hommes exécutés étaient Peuls, un groupe dans lequel les jihadistes ont largement recruté, selon HRW.

La milice Wagner responsable ?

L’état-major malien, dans ses communiqués, ne mentionne aucune présence de soldat étranger. Mais il annonce que l’opération a engagé cinq hélicoptères de transport et de combat de conception et fabrication soviétique et russe, sans préciser qui les pilotait.

HWR parle cependant de soldats maliens associés à des étrangers, présumés russes. La France et les Etats-Unis se sont dits préoccupés devant les informations faisant état d’exactions commises par des soldats maliens et des membres de la milice Wagner.

Les autorités ont toujours démenti le recours à Wagner et mettent en exergue le partenariat ancien avec l’armée russe, ravivé ces derniers mois à mesure que les ponts brûlaient entre la junte, la France et ses alliés. Face aux nouvelles mises en cause, l’état-major a parlé mardi soir « d’allégations infondées » visant à « ternir l’image » de l’armée. Il a répété que le respect des droits était « une priorité dans la conduite (des) opérations ».

L’ONU réclame une enquête indépendante

La justice militaire malienne a annoncé mercredi 6 avril au soir l’ouverture d’investigations sur les récents évènements de Moura. A la suite des « allégations d’exactions présumées commises sur des civils (…), des enquêtes ont été ouvertes par la gendarmerie nationale sur instructions du ministère de la Défense et des Anciens combattants pour mener des investigations approfondies afin de faire toute la lumière sur ces allégations », a écrit dans un communiqué le procureur auprès du tribunal militaire de Mopti, grande ville proche de Moura.

Alors que l’ONU réclame l’ouverture d’une enquête indépendante, son porte-parole, Stéphane Dujarric, a indiqué devant la presse à New York que les Nations unies avaient ouvert une enquête et que les experts de la Mission onusienne au Mali (Minusma) cherchaient à se rendre sur le site « le plus rapidement possible ».

Cependant, un tel déplacement est soumis au bon vouloir des autorités maliennes. Les vérifications indépendantes sont très compliquées faute d’accès à une zone reculée et dangereuse. Les témoins ont peur de parler à découvert.

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