La malédiction finale des hommes et des idées Par Mary Teuw NIANE

J’aurai du écrire, les êtres humains et les idées, dans cette nouvelle manière d’écrire en français.

Heureusement les deux langues nationales que je connais n’ont pas ce problème de confusion entre l’être humain, nit, neɗɗo et l’homme, goor, gorko.

Chaque langue a ses forces et ses faiblesses.

Je commençai à m’éloigner de l’objet de ma réflexion matinale.

Je vois depuis quelques décennies un phénomène qui ne s’estompe pas. Des jeunes, des adultes, des hommes et des femmes acceptent de tout t’abandonner, leurs familles , leurs richesses et même leur dignité pour suivre un homme ou une femme.

Il est très souvent difficile de comprendre l’explication rationnelle de ce mouvement spontané de sympathie et d’attachement aveugle à une personne.

Les messies viennent avec des idées transformatrices des individus, des communautés et des sociétés, disait-on.

Les grands hommes portent de grandes idées, en grands tribuns, qu’ils professent.

Comme disent les marxistes lorsque les idées s’emparent des masses…!

El Hadj Omar Foutiyou Tall, Thierno Souleymane Baal, Cheikh Ahmadou Bamba Mbacké, El Hadj Malick Sy, El Hadj Ibrahima Niass, Kwame Krumah, Cheikh Anta Diop, etc.

Les grands hommes prêchent aussi par l’exemple, à travers leurs actions comme Nelson Mandela, Thomas Sankara, Patrice Lumumba, Steve Biko, etc.

Chez nous, l’allégeance à un homme ou à une femme est devenue une servitude. Elle est d’autant plus servile lorsqu’elle est politique ou religieuse.

Comment expliquer que des gourous en déphasage totale avec les religions dont ils se réclament puissent drainer des dizaines de milliers de personnes avec un pouvoir de vie ou de mort sur elles?

On ne pense plus, on ne réfléchit plus, on ne raisonne plus !

On se rassure en confiant son cerveau à une personne supérieure.

Comme attachées au nez par un fil invisible, nous observons ces foules immenses qui répondent dociles à l’appel d’hommes ou de femmes d’une telle pauvreté intellectuelle et spirituelle qu’il est difficile de discerner les raisons de cette irrésistible attractivité.

Dieu a-t-il doté leurs corps d’un parfum surnaturel qui métamorphose et soumet les esprits ? Ou tout simplement leur cerveau est-il doté d’un pouvoir hypnotique tellement puissant qu’il accapare les cerveaux de ces foules qui, en génuflexion, se soumettent, conquises.

Lorsque l’éducation familiale décline, lorsque la tradition de l’éducation religieuse se perd, lorsque l’individu émerge avec force et fracas de la société, la conscience de la trajectoire historique commune s’évanouit, les individus fragiles s’orientent désespérément à la recherche de bouées de sauvetage.

Les idées ne prospèrent que dans des cerveaux fertiles et préparés à l’avance.

Cette époque est désespérante.

Les individus en ont marre des idées.

Ils ont besoin d’injonctions péremptoires, d’ordres. Indisciplinés, incultes culturellement, ils acceptent dociles qu’une personne providentielle les soumette.

Même les intellectuels se soumettent. Terrorisés, ils brisent leurs plumes et se murent dans un silence défaitiste.

Notre drame, la peur de la pauvreté, qui se généralise, tétanise les esprits, brise les résistances, annihile les exigences morales et met les individus en quête désordonnée de moyens spirituels et matériels de survie.

La lutte des places, la lutte pour des gains financiers et matériels, ces luttes prennent le dessus partout sur les luttes portées par des idées transformatrices de la société.

Ces batailles matérialistes grégaires viennent à bout des engagements les plus forts comme des déterminations des plus courageuses.

Lorsque le butin de guerre est conquis, les saints se muent en voyous.

Les convictions cèdent le pas à la bataille pour le partage des bandits.

Quand serons-nous débarrassés de ces malédictions?

J’encourage toutes celles et ceux qui se battent contre la grippe.
Je prie pour le repos de l’âme de tous nos naufragés du bateau le Joola.
Je vous souhaite une excellent week-end sous la protection divine.

Dakar, samedi 24 septembre 2022
Mary Teuw Niane

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