Tout en constatant des « progrès » dans le processus de transition démocratique au Mali, Alioune Tine, l’expert indépendant des Nations unies sur la situation des droits de l’Homme dans le pays, a appelé mardi le gouvernement de transition à respecter les libertés fondamentales, alertant sur le « rétrécissement de l’espace civique ».
« Une mission dans un contexte très tendu. » De retour d’une visite de dix jours au Mali, Alioune Tine, l’expert indépendant des Nations unies sur la situation des droits de l’Homme dans le pays, alerte, mardi 21 février, sur le rétrécissement des libertés fondamentales, déplorant un « climat lourd et malsain » lors de son séjour.
« Plusieurs défenseurs des droits humains, journalistes, autres professionnels des médias (…) ont évoqué des sujets tabous qu’ils n’osent plus aborder dans le cadre de leurs activités professionnelles, par peur de représailles des autorités maliennes de la transition et/ou de leurs sympathisants, notamment sur les réseaux sociaux », rapporte l’expert, citant en exemple « les allégations de violations ou atteintes aux droits humains attribuées aux forces de défense et de sécurité et leurs partenaires militaires russes« .
Selon Alioune Tine, nombre de ces travailleurs se sentent désormais menacés au Mali, « considérés comme des ‘apatrides’ ou des ‘ennemis de la nation’ qui serviraient d’alliés aux grandes puissances étrangères hostiles aux autorités du Mali ».
Depuis l’arrivée au pouvoir des militaires à la faveur de deux coups d’État, en 2020 et 2021, les relations entre le Mali et ses partenaires occidentaux, en premier lieu la France, se sont considérablement dégradées, entraînant un retrait précipité des forces françaises l’été dernier. Parmi les motifs de tension, la présence des miliciens russes de Wagner, vivement critiquée par Paris mais réfutée par les autorités maliennes de transition.
De plus en plus de populations déplacées
Sur le plan sécuritaire, l’expert des Nations unies affirme que les groupes extrémistes violents demeurent les « principaux auteurs présumés des violations des droits humains au Mali ». La région des « trois frontières » (Mali, Burkina Faso, Niger) est toujours l’épicentre de l’insécurité, « bien que le reste du pays ne soit pas non plus épargné », souligne-t-il.
Ce phénomène se traduit notamment par l’augmentation du nombre de déplacés et de celui des fermetures d’écoles. Deux indicateurs qui auraient respectivement progressé de 3,90 % et de 7 % au cours des cinq derniers mois, selon l’expert.
Des « progrès » dans la transition
Si ses motifs d’inquiétude sont nombreux, Alioune Tine salue des « progrès » dans la transition démocratique promise par la junte militaire, qui doit permettre le retour d’un gouvernement civil à l’horizon 2024. Il se réjouit notamment de la mise en place en décembre 2022 d’une commission chargée de la finalisation du projet de Constitution, tout en appelant les autorités à « plus d’inclusion » envers « certains partis politiques qui se sentent exclus du processus de transition ».
Sur la question des droits humains, l’expert cite également quelques avancées en matière de justice, notamment sur la réparation des préjudices causés par les violations graves des droits de l’Homme, et salue la récente condamnation de l’auteur d’une attaque contre des Casques bleus.
Autre évolution positive pointée par l’expert : la baisse des violations et des atteintes aux droits humains de 7,46 %, documentée par la Minusma – la mission de l’ONU au Mali – au cours du dernier trimestre 2022.
France24