Au Tchad, une nouvelle grâce présidentielle a été signée lundi 27 mars. Deux jours après celle concernant 380 rebelles du Fact, le président de la transition Mahamat Idriss Déby a gracié 259 des 262 personnes condamnées le 2 décembre dernier pour leur participation présumée aux manifestations du 20 octobre 2022. Si les soutiens du pouvoir saluent sa « magnanimité », d’autres accusent les autorités de diversion.
Elles avaient écopé de peines de deux à trois ans de prison lors d’un procès très contesté tenu à huis clos dans la prison de Koro Toro, en plein désert, sans avocats ni médias indépendants. Selon le décret présidentiel, elles avaient été condamnées pour des « faits d’attroupement non autorisé, de destruction des biens, incendie volontaire, violence et voie de fait, coup et blessures volontaires, troubles à l’ordre public ». Cela au terme de plus d’un mois et demi de détention dans cette prison de haute sécurité, à 600 kilomètres de la capitale Ndjamena. Les condamnés avaient été arrêtés lors de ce que l’opposition appelle le « jeudi noir », et les jours suivants. Ces mobilisations contre l’allongement de la durée de la transition, dont la répression a fait au moins 128 morts, selon la commission nationale des droits de l’Homme du Tchad.
Du côté des soutiens du président de la transition, le porte-parole du parti MPS, de l’ex-président Idriss Déby, Jean-Bernard Padaré salue la « magnanimité » du dirigeant tchadien, qui tient selon les promesses d’apaisement formulées lors du dialogue national. le porte-parole du parti MPS de l’ex-président Idriss Déby Jean-Bernard Padaré salue la «magnanimité» de la grâce présidentielle François Mazet Mais pour les organisateurs des marches durement réprimées du 20 octobre. il s’agit plutôt d’une manœuvre des autorités pour « brouiller les cartes » autour des nombreuses questions toujours en suspens, « puisqu’aucune lumière n’a été faite sur le nombre exact des victimes », ou des personnes toujours portées disparues. Max Loalngar est le coordonateur de la plateforme Wakit Tama, opposée au déroulement de la transition tchadienne. Il estime que cette grace n’a pas de sens car les prisonniers n’ont pas été condamnés définitivement, faute de procès en appel, et que leurs avocats doivent poursuivre la procédure pour les faire blanchir :
Pour Max Loalngar, coordinateur de la plateforme d’opposition Wakit Tama, cette grâce est destinée à « brouiller les cartes » autour des autres questions et n’a pas de sens car les prisonniers n’ont pas été condamnés définitivementL’enquête est toutefois toujours en cours pour une « vingtaine » de personnes détenues à Ndjamena, et une « centaine » d’autres dans la prison de Koro Toro, a déclaré Laguerre Ndjerandi, le bâtonnier de la capitale. Les autorités avaient d’abord annoncé qu’une cinquantaine de personnes avaient péri lors de ce « Jeudi noir », essentiellement des jeunes tués par balles dans la capitale par les forces de l’ordre, avant de réévaluer ce bilan à 73 morts. Des ONG avaient cependant dénoncé des chiffres sous-évalués. L’ONG Human Rights Watch (HRW) avait notamment dénoncé dans un rapport fin janvier des « meurtres », des « décès en détention », des « disparitions forcées » et des « actes de tortures » liés à la répression des manifestations par les autorités. Deuxième grâce en trois joursC’est la deuxième grâce présidentielle accordée en trois jours. Samedi 25 mars, un groupe de 380 rebelles du Front pour l’Alternance et la Concorde au Tchad (Fact), condamnés à la prison à vie pour leur implication dans la mort de l’ancien président Idriss Déby Itno, a bénéficié d’une même décision du chef de l’État. Ils avaient également été reconnus coupables d’« acte de terrorisme, mercenariat, et atteinte à la sécurité du territoire national ».
RFI