Après une entame correcte, l’ancien président est retombé dans ses travers complotistes. Mieux préparée, la vice-présidente a proposé aux Américains de « tourner la page ».
Quand on perd le match, il ne reste souvent qu’un recours : critiquer l’arbitre. À peine le premier débat entre Donald Trump et Kamala Harris terminé, mardi soir, la belle-fille de l’ancien président, Lara Trump, s’indigne sur les plateaux télé : « C’était un contre trois ! » Mais si les modérateurs de ABC ont fact-checké à plusieurs reprises Donald Trump en temps réel, c’est parce qu’il a multiplié, tel un disque rayé, les déclarations au mieux farfelues, au pire mensongères. Reste à voir si la vice-présidente, qui entretient le flou sur son programme, aura convaincu des indécis.
Fait surprenant, Donald Trump et Kamala Harris ne s’étaient jamais rencontrés. Leur échange, à Philadelphie, commence par une poignée de main, puis la vice-présidente lance les débats : « J’ai grandi dans une famille de la classe moyenne, et je suis la seule personne sur la scène du débat ce soir qui a un plan pour permettre à la classe moyenne et aux travailleurs américains de prospérer. » Elle cite notamment un abattement fiscal de 6 000 dollars pour un premier enfant et de 50 000 dollars pour « créer son entreprise », et ironise sur son adversaire « qui a hérité de 400 millions de dollars de son père et a fait banqueroute six fois ». « Elle n’a pas de plan. Elle a copié celui de Joe Biden. Son plan, c’est une phrase de quatre mots. Certains prix se sont envolés de 60 ou 70 %. C’est une catastrophe. C’est une marxiste, tout le monde le sait. Son père était un professeur marxiste. Elle a bien appris ses leçons », rétorque Donald Trump, dans son meilleur moment de la soirée.
Le républicain embraye sur le point faible de Kamala Harris : l’immigration. Il l’accuse d’avoir laissé, avec Joe Biden, « des millions de personnes affluer dans notre pays depuis les prisons, les établissements psychiatriques et les asiles d’aliénés ». Harris rappelle que démocrates et républicains avaient réussi à se mettre d’accord sur une réforme musclée. « Mais Donald Trump a décroché son téléphone et il a tué (le texte) car il préfère faire campagne sur un problème plutôt que de le régler. »
« Ils mangent les chiens. Ils mangent les chats »
Donald Trump commence à glisser sur l’avortement. Il assure que les démocrates soutiennent des IVG « même après la naissance », parlant de « meurtre ». La journaliste de ABC, Linsey Davis, le reprend : « Il n’y a aucun État dans ce pays où il est légal de tuer un bébé après sa naissance. » « J’avais prévenu qu’on allait entendre des mensonges », riposte Harris. « À cause de Donald Trump, il y a des femmes qui se vident de leur sang sur des parkings, car les docteurs refusent de les soigner par peur d’aller en prison. Il y a des États où l’avortement est interdit sans exception en cas de viol ou d’inceste. C’est immoral. » L’ancien président rappelle qu’il soutient ces exceptions, mais que « chaque État est libre de décider ».
La discussion revient sur l’immigration. Comme son colistier J. D. Vance, Donald Trump relaie des rumeurs selon lesquelles des migrants haïtiens s’attaqueraient aux animaux de compagnie des habitants de Springfield, dans l’Ohio. « Ils mangent les chiens. Ils mangent les chats », assure-t-il. Kamala Harris roule des yeux et rit aux éclats. Les modérateurs le reprennent à nouveau : les élus locaux ont démenti et la police a assuré que personne n’avait signalé de vols d’animaux de compagnie.
« J’ai un concept de plan »
Sur les questions internationales, Kamala Harris déroule. Elle rappelle qu’elle a rencontré Zelensky avant l’invasion russe et détaille les armes que les États-Unis ont livrées à l’Ukraine. Comme à son habitude, Donald Trump répète qu’il mettra fin à cette guerre, s’il est réélu, « en 24 heures » avec deux coups de téléphone à Poutine et Zelensky. « Cette guerre serait finie en 24 heures car il [Trump] abandonnerait [l’Ukraine] », tacle Harris. « Si Trump était président, Poutine trônerait à Kiev en louchant sur la Pologne », continue la démocrate. Qui se livre à un cinglant réquisitoire contre son adversaire « qui cajole des dictateurs qui le manipulent par la flatterie et des faveurs », et « échange des lettres d’amour avec Kim Jong-un ».
Sur la situation à Gaza, la vice-présidente américaine assure qu’elle protégera toujours « le droit d’Israël à se défendre » mais insiste : « Cette guerre doit se terminer. » « Si elle devient présidente, je crois qu’Israël n’existera plus d’ici à deux ans », raille l’ancien président, qui prédit « une troisième guerre mondiale » avec la démocrate au pouvoir.
Malgré l’insistance des modérateurs, Donald Trump refuse une nouvelle fois de reconnaître sa défaite de 2020. Il défend l’action des émeutiers du Capitole, assurant qu’ils n’ont « tué personne », contrairement « aux illégaux qui déferlent sur notre pays ». Et alors que les modérateurs lui demandent si neuf ans après avoir juré de remplacer la réforme de la santé votée sous Barack Obama, il a « un plan », il répond : « J’ai un concept de plan. » Mais toujours aucun détail.
Sur Fox News, le verdict du commentateur Brit Hume tombe : « Kamala Harris était préparée. Elle a gardé son calme. Elle l’a piégé avec succès. Trump a passé une mauvaise soirée. » La stratégie de la démocrate était simple : elle a laissé Trump faire du Trump. Et l’a dit aux Américains : “Nous n’avons pas à revenir en arrière. Nous pouvons tourner la page.” »
Le Point