Par Demba Moussa Dembélé
Le 12 septembre 2024, la Mission du FMI au Sénégal a publié un communiqué, soulignant que « les perspectives demeurent difficiles pour le reste de l’année ». Sans prendre la moindre précaution, les « néo-opposants » et la presse à leur solde affirment que le FMI aurait « peint un tableau très sombre » de la situation économique du Sénégal. Ce qui est archi-faux !
Savoir bien interpréter les chiffres
Le communiqué du FMI indique que le taux de croissance réel au premier trimestre 2024 était de 2,3%, comparé à celui du premier trimestre 2023. C’est un chiffre déjà publiés par l’Agence nationale de la statistique et de la démographie (ANSD). Rappelons que le premier trimestre 2024 est le dernier trimestre du régime de Macky Sall. Le communiqué ajoute que « les indicateurs de conjoncture suggèrent un ralentissement similaire au deuxième trimestre ». Toutefois, pour l’ensemble de l’année 2024, le FMI prévoit un taux de croissance réel de 6%. Ce taux est même légèrement supérieur au taux de croissance réel de 5,9% prévu pour les pays de l’UEMOA par la BCEAO, selon la déclaration du gouverneur faite le 11 septembre, à la fin de la réunion du Comité de politique monétaire.
Le communiqué du FMI indique que l’inflation globale a atteint une moyenne de 2,2% par rapport au premier semestre de 2023. Pour l’ensemble de l’année 2024, il prévoit un taux d’inflation globale de 1,5%, bien en dessous de celui de 3,7% prévu par la BCEAO pour les pays de l’UEMOA. Le FMI prévoit également une baisse du déficit du compte courant. Donc, à la lumière de ces prévisions, on voit bien que le Sénégal est parmi les pays ayant les meilleurs indicateurs macroéconomiques au sein de l’UEMOA.
En dehors de l’UEMOA, le taux de croissance de 6% est supérieur au taux de croissance moyen prévu pour l’Afrique qui serait de 3,7% en 2024 et au taux de croissance mondial projeté à 3,2% par la Banque mondiale. En fait, le taux de croissance du Sénégal prévu par le FMI fait partie des meilleurs taux de croissance dans le monde. Cependant, il aura peu d’impact réel pour les populations, étant donné la nature extravertie de l’économie sénégalaise.
Certes, le communiqué du FMI dit que «les perspectives macroéconomiques pour le reste de l’année 2024 restent difficiles ». Le Sénégal n’est pas un cas isolé. Comme les autres pays africains, le Sénégal va subir les chocs exogènes liés aux difficultés que traverse l’économie mondiale, difficultés qui n’épargnent pas les grandes économies. Par exemple, dans la zone euro, la Banque centrale européenne (BCE) a annoncé le 12 septembre sa décision de réduire son taux directeur de 25 points de base, du fait de données signalant une dégradation de la situation économique de la zone, dont le taux de croissance réel était de 0,3% au premier trimestre. Il serait de 0,4% au second trimestre. Si bien que le taux annuel serait en dessous de 1% Aux Etats-Unis également les derniers indicateurs économiques inquiètent la Réserve fédérale (Banque centrale) qui redoute un fort ralentissement de l’économie, dont le taux de croissance réel était d’un peu plus de 2,0% au premier semestre 2024
Donc, les difficultés du Sénégal dont parle le FMI sont à relativiser et à placer dans un contexte africain et mondial morose. En tout état de cause, les chiffres donnés par le FMI sont des prévisions, des projections qui seront probablement différentes de la réalité.
Le communiqué du FMI a surtout mis l’accent sur la situation des finances publiques.
La situation des finances publiques
En effet, le communiqué parle d’une prévision du déficit budgétaire à hauteur de 7,5% en 2024 contre un déficit de 3,9% prévu dans le budget initial, proposé par l’ancien régime. En fait, la mauvaise tenue des finances publique est un constat fait par le nouveau régime après avoir pris connaissance de l’état réel du pays. Dans son adresse à la Nation le 12 septembre, le président de la République Bassirou Diomaye Faye l’a souligné, en évoquant des « dérapages » dans plusieurs domaines. Il confirme ainsi les propos de son Premier ministre Monsieur Ousmane Sonko selon lesquels ils avaient trouvé « un pays en ruines ».
En réalité, ils ont hérité d’un pays abîmé par un régime libéral et despotique dont la gestion des finances publiques était calamiteuse, tant au niveau de l’Etat central qu’au niveau des sociétés publiques et parapubliques. Les audits et rapports des corps de contrôle rendus publics par les nouvelles autorités ont révélé des détournements de deniers publics à une échelle insoupçonnée. Si bien que l’une des tâches prioritaires du gouvernement a été de procéder à l’assainissement des finances publiques par la rationalisation des dépenses et une meilleure mobilisation des ressources internes.
Côté dépenses, le régime a cherché à éliminer des institutions inutiles comme le CESE et le HCCT. Mais l’ex-majorité parlementaire ne voulait pas en entendre parler. Côté mobilisation des ressources internes, le gouvernement a entrepris une série de redressements fiscaux en ciblant plusieurs multinationales qui, pendant des années, ont échappé à l’impôt, faisant perdre ainsi au Trésor public des dizaines de milliards, avec la complicité du régime déchu. Certaines de ces multinationales, comme Woodside, ont porté leurs cas devant la justice.
Tout cela montre que des efforts louables sont faits par le nouveau régime pour assainir les finances publiques dans le but à la fois de réduire le déficit budgétaire et les besoins d’endettement extérieur. L’une des sources importantes de dépenses relevées par le communiqué du FMI est le coût élevé du service de la dette extérieure. Avec le régime précédent, le niveau de celle-ci avait atteint 75,5% du PIB, bien supérieur à la norme UEMOA de 70%. Donc, la détérioration des finances publiques est un héritage du régime déchu.
Des réactions irrationnelles
Cependant, les « néo-opposants », l’armée mexicaine du régime défunt et leurs mercenaires essaient de faire croire que le gouvernement est responsable de la situation économique du pays. Eux et les médias à leur solde semblent même se réjouir des « sombres perspectives économiques » qui n’existent que dans leur imagination. Cela prouve que pour la plupart d’entre eux, les critiques ne sont pas fondées sur des faits avérés mais plutôt basées sur une certaine jalousie, voire de la haine, à l’égard des nouvelles autorités, avec comme principale cible le Premier ministre Ousmane Sonko. Par exemple, ils vont jusqu’à imputer au régime la responsabilité des accidents de la route et les chavirements de pirogues ! C’est pourquoi, leurs réactions sont irrationnelles et leurs critiques dépourvues d’arguments sérieux. En fait, les partisans et mercenaires du régime déchu, les « néo-opposants » et certains patrons de presse font partie d’un même système usé et corrompu qui ne veut pas mourir !
Eviter le piège néolibéral
Faut-il rafraichir la mémoire à toute cette meute que le programme en cours est hérité du régime précédent, qui a signé en mai 2023 un accord avec le FMI, assorti d’engagements de la part du gouvernement contre des promesses de financement. Si le nouveau régime veut rester fidèle à sa promesse de rupture, il doit s’éloigner des « recommandations » du FMI dont les politiques ont toujours été à la base du recul des indicateurs de développement humain dans tous les pays. L’expérience du Sénégal est là pour en témoigner. Après 20 ans d’application sans nuance des politiques dictées par le FMI et la Banque mondiale dans les années 1980 et 1990, le Sénégal s’était retrouvé sur la liste des « pays les moins avancés » (PMA) en 2001. Il y est toujours, en compagnie d’autres pays africains qui avaient suivi les mêmes « recommandations ».
Donc, le nouveau régime a intérêt à mettre fin au programme hérité du régime de Macky Sall et le remplacer par son propre programme de rupture. Sinon, il n’y aura pas de souveraineté alimentaire, encore moins d’industrialisation. En somme, il faudra éviter le piège néolibéral dans lequel le FMI risque d’enfermer les nouvelles autorités. Une politique de rupture est incompatible avec un accord avec le FMI